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Académie de Lyon

Usages numériques : au-delà des bénéfices, décryptage des dangers inhérents à l’usage incontrôlé des réseaux sociaux
Article mis en ligne le 28 décembre 2020

par ecognard, Anthony CHARLES

Ce document réalisé par Anthony CHARLES, Professeur de SVT au Lycée la Martinière Duchère (Lyon 9) et Chargé de mission académique EDD-S est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International.

L’équipement et les usages numériques se sont très largement démocratisés ces dernières années à tel point que la France compte aujourd’hui 88% d’internautes et que 95% des français de 12 ans et plus possèdent un téléphone mobile (dont 77% un smartphone). Plus d’1 français sur 2 se connecte à Internet depuis un smartphone.

Chacun s’accorde aujourd’hui à dire que les bénéfices du numérique sont nombreux : créativité encouragée, facilitation du partage, nouvelles opportunités d’apprentissage… Il n’en demeure pas moins qu’il possède son côté obscur. Qui n’a pas constaté que les adolescents, durant les intercours, n’échangent plus entre eux, préférant pianoter sur leur clavier de téléphone. Il n’est plus rare de s’horrifier de les voir préférer une quelconque interface numérique pour se « parler » alors qu’ils sont côte à côte. Combien de parents constatent, au rai de lumière diffusant sous une porte de chambre fermée, que leur enfant utilise son portable au milieu de la nuit. Les adolescents ne sont évidemment pas les seuls concernés et le phénomène d’emprise numérique a gagné une large part de la société.

Des pathologies nouvelles sont désormais associées aux comportements liés à l’usage excessif du numérique. Dans son ouvrage La civilisation du poisson rouge, Petit traité sur le marché de l’attention (Grasset, 2019), Bruno Patino nomme et décrit six pathologies d’un genre nouveau. Parmi celle-ci, le phnubbing, né de la contraction de phone et de snubbing, est l’acte d’ignorer des personnes physiquement présentes en consultant son téléphone plutôt que de communiquer avec elles pendant un moment collectif (repas, réunion…). La nomophobie correspond, quant à elle, à l’incapacité à vivre sans son portable alors que l’athazagoraphobie est le besoin permanent de consulter les réseaux sociaux afin de vérifier que l’on n’est pas « oublié ». Le nom de « dormeur sentinelle » est donné à celui ou celle qui dort avec son téléphone portable en mode veille afin de pouvoir répondre dans un demi-sommeil à tout message. Enfin, le syndrôme d’anxiété regroupe les problèmes liés la nécessité incontrôlable de poster chaque instant de sa vie sur les réseaux. Pour en savoir davantage, une courte description de toutes ces pathologies est disponible dans la vidéo Vous avez forcément une de ces maladies nées de notre dépendance aux écrans.

La surexposition aux écrans peut donc rapidement amener à la cyberaddiction, au manque d’attention et de concentration sans parler des problèmes physiologiques induits (difficultés à trouver le sommeil, maux de dos, de tête).

Aussi, la prise en compte du sujet de la surexposition aux écrans a beaucoup évolué ces dernières décennies, au fil des innovations numériques. D’une vision essentiellement centrée sur la santé et l’écran comme objet, les discours scientifiques, médiatiques et politiques se sont déportés vers une vision englobant les contenus, et en particulier les mécanismes de captation de l’attention.

Un des problèmes majeurs auxquels sont confrontés nos adolescents est l’addiction de plus en plus manifeste aux réseaux sociaux qu’ils présentent pour nombre d’entre-eux.
Selon l’enquête 2018 CNIL - Génération Numérique « Les 11-18 ans et la protection de leurs données personnelles », à partir de 15 ans, la quasi-totalité des jeunes sont inscrit(e)s sur au moins 1 réseau social. Selon l’enquête IPSOS 2018 sur les addictions des 14-24 ans, 26% des 18-22 ans estiment passer plus de 5 heures par jour sur les réseaux sociaux, 10% y consacrent plus de 8 heures chaque jour. Le même rapport indique que plus de la moitié des filles de 15-18 ans ont déjà discuté avec des inconnus et 60% des garçons ; 40% sur la part de ceux ayant engagé ces échanges ont rencontré physiquement les inconnus contactés, tous sexes confondus.

Une statistique édifiante montre que 3/5ème du temps passé sur les écrans par les 15-19 ans est concentré sur les applications Snapchat, YouTube et Instagram. La série de vidéos Dopamine conçue par ARTE et le réseau Canopé a pour objectif de sensibiliser au phénomène d’addiction aux réseaux sociaux. Elle participe en cela à la mise en œuvre des ODD3 et 4 qui visent à un accès pour chacun à la santé et au bien-être pour le premier et à une éducation de qualité pour le second.

Chaque épisode de la série a pour objectif de montrer que toutes les applications en vogue (Youtube, Snapchat et Instagram, Tinder, Uber…) mettent en jeu le système de la récompense en activant la production de dopamine, molécule responsable du plaisir, de la motivation et de l’addiction. Les vidéos invitent toutes à la réflexion autour des pratiques numériques quotidiennes sur les réseaux. Un dossier pédagogique les accompagne et fournit des pistes pédagogiques aux enseignants pour faire travailler et réfléchir leurs élèves autour de cette thématique de l’addiction aux écrans et aux réseaux sociaux. Le sous-dossier Bonbons et autres friandises propose un travail dans le cadre du cycle 3 en EMC (prendre part à une discussion, un débat ou un dialogue) et en sciences et technologie (identifier un signal et une information ; pratiquer des démarches scientifiques et techniques ; adopter un comportement éthique et responsable).
Le sous-dossier Mon application préférée est destiné au cycle 4. Il aborde, dans le cadre de l’EMI et des lettres, deux pistes pédagogiques distinctes : comment fonctionne mon application préférée et a-t-on besoin des réseaux sociaux pour exister ?
Toujours en lien avec l’EMI et à destination des élèves du cycle 4, La publicité sur les réseaux sociaux décrypte comment et pourquoi les adolescents sont des cibles publicitaires à leur insu.
Une Enquête au cœur du circuit de la récompense est destinée aux élèves de secondes dans le cadre du cours de SVT. Suite à l’analyse des vidéos Tinder et Uber de la série Dopamine, les élèves sont amenés à comprendre les liens entre cerveau, système de récompense et plaisir chez l’espèce humaine en déterminant les structures cérébrales et les composantes affectives, motivationnelles et cognitives mises en jeu. Pour ce faire ils sont engagés dans une démarche expérimentale.
Enfin, Sommes-nous tous aliénés par les réseaux sociaux ? propose une piste pédagogique qui a pour objet de traiter la majeure partie du thème 3 du programme de secondes de SNT consacré aux réseaux sociaux à travers la mise en place d’une démarche de projet alternant travaux collectifs et individuels.

Dans la même veine, le CLEMI (Centre d’éducation aux médias et à l’information) produit une série de modules vidéo à destination des enseignants, illustrant des cas concrets d’éducation aux médias et à l’information dans les premier et second degrés. L’objectif est bien sûr de développer l’esprit critique des élèves à travers l’analyse de ces vidéos réalisées et montées à partir d’ateliers filmés en classe (ateliers Déclic’ Critique comme Découvrir Snapchat du divertissement à l’information).

Le podcast de l’émission La méthode scientifique sur France Culture aborde lui-aussi le thème des addictions numériques. Deux addictologues reviennent sur ces problématiques de dépendances contemporaines aux écrans : Maud Lemercier, psychologue clinicienne à l’hôpital Albert Chenevier à Créteil et Jean-Pol Tassin, neurobiologiste, directeur de recherche émérite à l’INSERM, chercheur à l’Université Paris Sorbonne. L’émission Envoyé spécial L’héroïne numérique de janvier 2018 aborde, quant à elle, cette thématique sous l’angle des réseaux sociaux mais apporte aussi un éclairage consternant sur l’effet des écrans sur les plus jeunes. Elle complète la mine d’or que constitue le guide pratique La famille tout écran qui regroupe une multitude de conseils et d’analyses en éducation aux médias et à l’information.

Enfin, et directement reliable aux mauvais usages des réseaux sociaux et à l’ODD5, des ressources simples et efficaces existent pour aborder le thème du cyberharcèlement et des cyberviolences à l’école. Le court clip vidéo de 30 secondes réalisé à l’initiative du Ministère de l’Education Nationale s’adresse aux élèves et vise à les sensibiliser aux pratiques de harcèlement sur les réseaux sociaux ainsi qu’aux impacts sur la santé psychosociale des personnes qui font face à ce type de situations.