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Académie de Lyon

Conférence de Marc Dufumier à Feurs

Le cycle agriculture-alimentation a vu son point d’orgue mardi 31 janvier à Feurs avec une conférence de Marc Dufumier, agronome et enseignant chercheur, spécialiste des systèmes agraires et de leur évolution qui a notamment dirigé la chaire d’agriculture comparé et de développement agricole à AgroParisTech. Il a été impliqué dans la formulation, la mise en œuvre et l’évaluation de nombreux projets et programmes de développement agricole en France comme à l’étranger. Rencontre.

Article mis en ligne le 20 juin 2023
dernière modification le 17 mars 2023

par ecognard

https://edd.enseigne.ac-lyon.fr/spip/IMG/jpg/marc_dufumier__2012__cropped_.jpg
Le lien entre agriculture et alimentation est ancestral, en quoi est-ce une question d’actualité ?
Effectivement, l’idée de pouvoir nourrir correctement et durablement l’humanité toute entière n’est pas nouvelle mais on n’y est pas parvenu : on souffre encore de la faim dans le monde.
Par ailleurs, en France, si nous avons de la nourriture en nombre, il faut qu’elle soit de qualité. On observe d’une part moins de listériose moins de Escherichia coli notamment, d’autre part une résistance aux antibiotiques et chose plus grave un disfonctionnement des glandes endocrines.
Lorsque l’on aborde la question de l’espérance de vie en France, on estime que pour les jeunes générations, elle est inférieure d’une dizaine d’année à celle des gens de ma génération. On sait que les maladies comme Alzheimer, parkinson, les cancers vont apparait plus tôt.
Pourquoi ?
Les jeunes sont dès la vie in utéro exposés aux résidus de pesticides et autres perturbateurs endocriniens. Les antibiotiques sont dans la viande consommée parce que nous élevons nos animaux des espaces confinés où ils sont traités à titre préventif. Ainsi, les antibiotiques perdent leurs effets sur nous. Une alimentation de qualité doit éviter antibiotiques et perturbateurs endocriniens. Il y a urgence à nourrir l’humanité entière avec une alimentation plus saine, plus riche. Cela passe par les conditions de culture et d’élevage. Il faut concevoir une remise en cause des pratiques
Quels sont les leviers pour cela ?
Il y en a plusieurs. On peut compter sur le fait que des agriculteurs produisent du bio, des produits de bonne qualité, répondent à un cahier des charges contraignant. Cela demande plus de travail et les agriculteurs doivent être mieux rémunérés. Malheureusement, tous les consommateurs n’ont pas accès à cette qualité. Une alimentation à deux vitesses est insupportable. Il faut donc rendre accessible pour tous des produits plus soignés.
Il faut en outre prendre en compte, que les agriculteurs qui changent de pratique rendent des services inestimables. Lorsque l’on remet des haies, Il y a un impact sur la biodiversité, sur les questions liées au carbone, sur la qualité de l’eau, sur les inondations.
Les subventions doivent répondre à l’engagement exigeant de ces agriculteurs. Elles peuvent notamment ne plus être attribuées en proportion aux surfaces mais en fonction du travail.
On peut également mobiliser à plusieurs échelles, en développant dans les écoles, collèges et lycées, une alimentation bio là où nous avons la population la plus vulnérable aux perturbateurs endocriniens.
Le citoyen peut-il jouer un rôle ?
Evidemment. A titre personnel d’abord, il peut changer de comportement. Lorsqu’il oriente sa consommation vers des produits de qualité, il accroit la demande.
Il peut agir dans le cadre associatif riche dans le domaine de la défense de la santé de l’environnement. Les associations de parents d’élèves peuvent peser pour ce qui concerne la restauration scolaire. Les associations comme Terre de lien qui acquièrent des terres pour favoriser l’installation de jeunes agriculteurs ont un rôle fondamental.
Enfin, il est important que les citoyens s’expriment et exercent leur droit de vote, qu’ils interrogent nos politiques afin qu’ils orientent leur politique, respectent les traités internationaux et en revoient certains.
Peut-on agir dès l’école ?
Je pense qu’il nous faut à l’école, dès leur plus jeune âge, former tous enfants à l’observation de la nature qui à elle seule est une excellente ouverture d’esprit pour comprendre l’interaction des différentes espèces végétales et animales. L’objet n’est pas d’étudier un troupeau, une plante, mais une interaction, celle du domestique et de la faune sauvage, la complexité des éco-systèmes,
Et puis, il y a l’éducation au goût, l’implication dans la lutte contre le gaspillage, l’apprentissage du tri des déchets à tous les échelons de l’école au lycée, il y a une éducation à faire sur ce que l’on mange, sur l’agriculture, le travail des agriculteurs.
Comment ?
Parmi les nombreux exemples, prenons celui d’un petit jardin à l’école. Il permet de voir, d’expérimenter. L’enfant qui constate qu’un plant de lentille grimpe sur un autre végétal comprend l’interaction des végétaux entre eux. A chaque étape de la scolarité, le jardin conduit à observer d’autres formes de vie, d’autres interactions. La nature est d’une grande complexité, les insectes, les papillons, les coccinelles, les chauves-souris… chacun à son rôle, chacun à son échelle rend service à l’autre. D’année en année, de la maternelle au lycée et plus encore, cette approche doit s’enrichir, se diversifier et nourrir une écologie scientifique, une science du vivant. Cette démarche permet d’accompagner le jeune dans sa compréhension du monde, en faire un acteur et un citoyen éclairé.


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